31 mai 2021

Vincent Volpe : "Le HAC n'est pas à vendre"

Vincent Volpe : "Le HAC n'est pas à vendre"
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les articles de l’Équipe puis de Paris-Normandie parus fin avril et prêtant à Vincent Volpe l’intention de céder le hac, sous fond de difficultés financières, ont fait du bruit dans le microcosme havrais. Il faut dire que l’homme d’affaires américain, à la tête du club doyen depuis 2015, est plutôt réputé pour la rigueur de sa gestion. Sollicité avant les révélations de nos confrères pour dresser un premier bilan d’une saison pour le moins pénible pour les supporters « ciel et marine », le président havrais a démenti, avec fermeté, une possible vente du HAC. Toutefois, depuis Houston, aux États-Unis, où il vit une partie de l’année et où nous l’avons joint, Vincent Volpe a reconnu, qu’en raison du changement de contexte (crise sanitaire, diminution des droits TV, marché des transferts au ralenti), le club havrais allait certainement devoir changer de modèle économique dans les mois à venir. L’objectif de monter en ligue 1, le prochain mercato, le centre de formation... Le président havrais est revenu sur tous ces thèmes, et bien d’autres.

Avez-vous l’intention de vendre le HAC ?
Ce n’est pas vrai, le club n’est pasà vendre. Aucun processus n’a été engagé dans ce sens ni aucune banque d’investissement mandatée. Je ne cherche pas non plus d’investisseurs minoritaires.
Il n’y a rien de tout ça. Je démens les informations qui ont circulé à ce sujet. Jusqu’à preuve du contraire, pour réaliser ce type de transaction, il faut un acheteur et un vendeur. Et je ne suis pas vendeur. Par contre, des acheteurs, je peux vous l’assurer, ce n’est pas ce qui manque. Je suis contacté presque en permanence. Maintenant, on clôture cette histoire et on passe à autre chose. A mon retour en France (programmé à la mi-mai),je préciserai certaines choses car la situation a été déformée. Je vais faire quelque chose que je ne fais jamais, je vais donner un peu plus de détails pour que les gens comprennent mieux les finances du club.


Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de vous enrichir sur le dos du club(1) ?
Soyons simple, je me suis engagé à investir 10 M€, j’ai investi 10 M€ avec 3,5 M€ d’investissement direct et 6,5 M€ dans le compte courant. Ce dernier est bloqué. Je me suis engagé devant la DNCG à ne pas y toucher. Le jour où il y aura une vente, le compte courant sera traité comme des actions. Depuis la reprise du club il y a six ans, je n’ai pas touché un centime de retour sur investissement, ni moi, ni personne d’ailleurs. Trouvez-moi un actionnaire qui injecte 10 M€, qui au bout de six ans ne touche rien et ne râle pas. C’est mon cas mais je ne dis rien car c’était le deal de départ. Par contre, m’accuser aujourd’hui de me faire de l’argent sur le dos du club, c’est vraiment n’importe quoi.


Où en est-on du dossier du centre d’entraînement de Soquence, situé au pied du Stade Océane, et de son remboursement par la Communauté Urbaine du Havre ?
Il y a deux ans et demi-trois ans, quand on a lancé ce projet, on a tout investi (à la hauteur, au minimum, de cinq millions d’euros). Le deal était que la Communauté urbaine nous rembourse les travaux puisqu’on se trouve sur ses terrains. C’est acté depuis le début. Aujourd’hui, on est en discussion pour éventuellement accélérer ce remboursement. Il n’y a rien de décidé. Mais contrairement à ce qui a été écrit, on ne va pas toucher l’argent d’ici le 30 juin. Raconter que ça va nous permettre de survivre jusqu’à la fin de la saison est inexact.


Faut-il, pour autant, s’inquiéter de la situation financière du HAC ?
Non. La dernière fois que des chiffres ont été publiés, au 30 juin 2020, le club était dans un état très stable financièrement. D’ailleurs, la DNCG ne nous a fait aucun commentaire. Notre dette nette était inférieure à 2 M€. Maintenant, on doit rester en alerte. Notre situation se décompose en deux phases distinctes. Jusqu’en juin 2020 et depuis 2015, année de rachat du club, soit la période que je qualifie de pré-Covid, on s’est engagé dans un projet sportif ambitieux, en dépensant beaucoup d’argent dans l’équipe professionnelle. En l’espace de cinq ans, on a doublé notre masse salariale(2). Aujourd’hui, 75 à 80% des dépenses de notre budget sont directement liés au sportif, que ce soit pour les professionnels ou pour le centre de formation. En parallèle, on a également largement investi dans notre centre technique (de Soquence). C’est notre investissement n°1. On a fait ce qu’on avait dit en arrivant. On a respecté notre parole. Tous ces investissements lourds ont été financés par des transferts avec des ventes de joueurs assez élevées(3). Sur les cinq dernières années, notre balance des transferts, une fois qu’on a tout payé dont les commissions des agents, est en moyenne supérieure à 8 M€ par an. Cette politique nous a permis de créer un effectif avec des actifs, de la valeur.


Vous mentionnez que votre situation se décompose "en deux phases distinctes". On comprend que la donne a changé pour cet exercice 2020-2021...
Trois choses nous sont tombées dessus en même temps : le Brexit, la Covid et la diminution par deux des droits TV par rapport à ce qu’on attendait. La fin de Mediapro représente une perte d’environ 3 M€ et on n’est toujours pas fixés sur la suite(4). La crise sanitaire nous a privée de billetterie, de sponsoring. Et je pense que le Brexit va avoir à l’avenir un impact profond sur les transferts pour les clubs de Ligue 2. Pourquoi les prix de certains transferts étaient aussi élevés jusqu’à présent ? Parce qu’à chaque fois qu’un club de Ligue 1 s’intéressait à l’un de nos joueurs, il se trouvait en concurrence avec ses homologues anglais. Mécaniquement, ça les faisait grimper. Le transfert de Ferland Mendy en constitue le parfait exemple (à Lyon, en 2017, pour une somme avoisinant les 5 M€ sans compter derrière les 4 M€ de bonus suite à son départ au Real Madrid deux ans plus tard). Avec le Brexit désormais, il est quasiment impossible de réaliser un transfert direct de la Ligue 2 vers l’Angleterre (lire n°34). Du coup, les clubs de Ligue 1 ne vont certainement pas se gêner de nous proposer moins pour nos joueurs. Si vous additionnez A + B + C, il n’est pas impossible d’envisager une perte de chiffre d’affaires de 8 à 10 M€. Ce sont des problèmes qui touchent l’ensemble du football français".

Mais quelles seront les conséquences pour le Havre ?
Avec ce que je viens d’expliquer, notre modèle économique basé sur des transferts importants pour financer nos investissements sportifs va forcément changer. Voici le défi qui se présente devant nous. C’est un défi très difficile. A l’avenir, on a des actions décisives à prendre. On est à la recherche d’un équilibre. Il va falloir réduire les coûts sans sacrifier la qualité de l’équipe ni abandonner notre objectif (la montée en Ligue 1). On ne tournera pas non plus le dos à notre section féminine. Ça serait très facile de dire : « On va la supprimer pour économiser 1 M€ ». Nos 150 licenciées seraient alors à la rue. Dans mon esprit, c’est inacceptable. Maintenant, je ne peux pas promettre qu’aucune personne au club ne sera affectée (par la situation), ça ne serait pas honnête de ma part. Il peut y avoir des changements de responsabilités, de répartitions de postes... On regarde aussi les tâches qu’on peut mutualiser entre la structure professionnelle et l’association. On est en phase de réflexion, on n’a pas encore tiré toutes les conclusions. D’ici cet été, on va certainement se lancer dans une restructuration.


De l’extérieur, on a quand même du mal à croire que le hac puisse être aussi compétitif avec moins de moyens...
Il ne faut pas oublier une chose : au niveau des salaires des joueurs, on va rentrer dans une époque déflationnaire. C’est pourquoi je pense qu’il va être possible d’avoir une meilleure équipe sportivement avec moins d’argent. Cela ne concerne pas les joueurs qui sont actuellement sous contrat et dont les engagements seront, bien entendu, respectés mais plutôt les futures signatures. Le mercato qui s’annonce sera très révélateur de cette tendance. Et ce n’est pas parce qu’on va finir 13e (le classement du HAC au moment de l’interview) qu’on doit se précipiter. Pas question de paniquer. A notre effectif de base, il faudra prendre les bonnes pioches à un prix raisonnable. On doit attendre que le marché prenne conscience de cette nouvelle situation. Personne n’a intérêt à tuer les clubs. Certains agents le comprennent très bien, sont prêts à faire des compromis. A l’inverse, d’autres sont détachés de la réalité. Ils pensent toujours que leur joueur vaut 20% plus cher. Et puis vous savez, s’il ne s’agissait que d’une question d’argent, au regard ce qu’on a dépensé depuis six ans, logiquement, on devrait déjà être en Ligue 1.


Au regard de cette nouvelle situation économique que vous décrivez, avez-vous entamé, comme on a pu le voir dans d’autres clubs, des négociations avec vos joueurs pour diminuer leur salaire ?
Non. Et de toute façon, ce qu’on a pu constater dans d’autres clubs, ce n’est pas une baisse des salaires mais un report. Cette mesure permet un gain de trésorerie ponctuel mais sur le moyen et le long terme, ça ne diminue pas les coûts de structure.


Une fois que la crise sanitaire sera derrière nous, croyez-vous toujours au modèle économique accompagnant le stade océane avec l’hôtel et le restaurant, un modèle assez décrié ?
Je suis persuadé de la rentabilité à moyen terme de ses investissements et d’ailleurs avant la Covid, une tendance très positive se dégageait depuis plusieurs mois. Pour l’hôtel, le taux d’occupation grimpait et pour le restaurant, on avait de plus en plus de couverts. On est toujours animé par la même idée, celle de diversifier les activités liées au stade car je rappelle qu’on ne paye pas le loyer que deux fois par mois (référence à la moyenne de matches du HAC à domicile) mais tous les jours.


Vous faites référence au loyer du Stade Océane. N’est-il pas trop élevé pour un club de la dimension économique du HAC (1 m€ par an, 1,4 m€ en cas d’accession en Ligue 1) ?
Le loyer, ce n’est pas moi qui l’ai négocié. Quand je suis arrivé, il était déjà acté. En comparaison à d’autres stades en France, il est clair qu’il est hors de prix. Si on calcule le rapport entre le prix et le nombre de sièges, on paye deux fois plus cher que le Parc des Princes, et quatre, cinq, six fois plus cher qu’un stade comparable au nôtre comme celui de Toulouse par exemple. Ce n’est pas une critique, juste la réalité. D’un autre côté, l’urbanisme (la Codah, la Communauté d’agglomération du Havre, propriétaire de l’enceinte) a consenti un investissement très lourd. Les conditions de financement exigeaient que le club s’acquitte d’un tel montant. Le bail dure jusqu’en 2032. On respectera nos engagements. On discutera après.


Évoquons cette saison. A deux journées de la fin, le havre n’est pas encore officiellement maintenu (14e avec trois points d’avance sur le barragiste). On imagine que vous devez être déçu de ces résultats...
Chaque saison qui passe sans monter en Ligue 1 est un échec. Notre objectif ne consiste pas à jouer le maintien comme c’est le cas cette saison mais à monter ou, au moins, à finir dans le Top 5 pour y prétendre. Parmi toutes les critiques que j’entends à gauche, à droite, je trouve qu’il n’y en a aucune de recevable sauf une, que je partage, on n’est pas monté.


Pour expliquer ces résultats décevants, les supporters et certains observateurs pointent le recrutement, ou plutôt l’absence de recrutement, et notamment le fait qu’aucun transfert payant n’ait été réalisé l’été dernier et cet hiver. Comprenez-vous ces critiques ?
Non. Pour moi, ils ne tiennent compte que de la moitié de l’histoire. Les gens ne voient que les transferts. Ils nous disent : « Vous n’avez pas beaucoup acheté ». Je leur réponds : « Regardez notre masse salariale ». Je le répète, depuis cinq ans, elle a doublé. D’ailleurs, on n’est pas resté inactif, on a ajouté des joueurs(5).
On n’a pas conçu l’équipe pour être plus faible que l’année d’avant. Maintenant, vous conviendrez que trouver un remplaçant à Tino Kadewere (meilleur buteur de L2 en 2019-2020 avec 20 réalisations en 24 matches), ce n’est pas simple. On a embauché un attaquant mais qui n’a pas pu jouer avant la deuxième partie de saison (Khalid Boutaïb) à cause d’un problème de gestion, surtout au niveau de son agent (lire n°34). On ne peut pas critiquer notre investissement. Par contre, ce qu’on peut critiquer, c’est le résultat. Je suis le premier à le dire. On n’est pas bon.


Compte tenu des (non) performances du havre, Paul Le Guen (sous contrat jusqu’en 2023) est de plus en plus contesté par les supporters. Considérez-vous qu’il soit toujours l’entraîneur de la situation ?
Ça ne fait aucun doute, c’est l’homme qu’il faut pour le HAC. Comme moi, il est dédié à notre objectif et comme moi, il n’est pas satisfait de nos résultats. On est en train de mettre en place des choses à l’intérieur du club. On pense que ça aura un effet positif sur le sportif.


Marque de fabrique du HAC, le centre de formation semble également moins alimenter l’équipe professionnelle depuis quelques années ?
Je rappelle qu’on a fait signer huit premiers contrats pros cette saison(6). Maintenant, est-ce qu’il y a un prochain (Harold) Moukoudi, (Loic) Badé ou (Ferland comme Benjamin) Mendy ? Seul le temps répondra à cette question. Chaque joueur se développe à son rythme. Regardez l’exemple de Riyad Mahrez (passé par Le Havre entre 2010 et 2014 avant d’exploser en Angleterre). Mais parmi tous ces jeunes, on croit que deux ou trois d’entre eux peuvent faire de très belles carrières. Comme avec tous leurs coéquipiers, on s’est engagé à les détecter, à les former et à les valoriser au niveau professionnel. C’est pourquoi depuis qu’on a repris le club il y a cinq ans, on a plus que doublé le budget du centre de formation et je n’inclus pas la section féminine".

Mathieu Billaud / Foot Normand.


(1) Dans son édition datée du 27 avril, Paris-Normandie indique que les 6,5 M€ injectés dans le compte courant l’ont été avec un taux d’intérêts d’1,5%. Le quotidien seinomarin évoque également un prêt de 8 M€ accordé au HAC par l’une des filiales de Vincent Volpe que le club doyen rembourse sur une base de 5% d’intérêts.

(2) Selon les rapports de la DNCG (Direction nationale de contrôle et de gestion), la rémunération du personnel chargée au HAC se montait à 8, 046 M€ en 2014-2015, la saison avant le rachat du club par Vincent Volpe. En 2018-2019 (le dernier bilan disponible), cette même rémunération du personnel chargée atteignait 14,838 M€.

(3) Depuis 2015, le HAC aurait touché entre 45 et 50 M€ avec les transferts notamment de Tino Kadewere, Rafik Guitane et Lys Mousset mais aussi des pourcentages sur des reventes comme dans les cas de Riyad Mahrez et Ferland Mendy.

(4) Pour la période 2021-2024, les droits TV de la Ligue 1 et de la Ligue 2 n’ont toujours pas été attribués.

(5) Durant le mercato estival 2020, le HAC a engagé cinq joueurs : Pierre Gibaud, Nolan Mbemba, Quentin Cornette, Nabil Alioui et Khalid Boutaïb.

(6) Isaak Touré, Benjamin Capron-Litique, Abdelwahed Wahib, Mamadou Fofana, Abdoullah Ba, Ylan Gomes, Josué Casimir et Godwin Bentil.







Paris S.G.VSHAC
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HAC - Strasbourg