Le centre de formation du HAC : histoire et passage de témoin

Si le Centre de formation entra en fonction en 1984, les discussions pour sa construction débutèrent à l’aube de la saison 1981-82, alors que le HAC venait de retrouver le statut professionnel. Jean-Pierre Hureau, président, et Alain Belsoeur, secrétaire général, exposèrent à André Duroméa, alors maire du Havre, ce projet devant permettre à des jeunes de la région, voire même de la ville, d’avoir une chance de devenir professionnels tout en continuant de suivre leur scolarité. Evidemment, le bâtiment hébergeant les jeunes pensionnaires ne pouvait se situer ailleurs à la Cavée-Verte, où s’entraînaient les Ciel&Marine, des poussins aux seniors. Le maire donna son accord, et en 1984 sortit donc de terre le Centre de formation havrais avec tout le nécessaire pour accueillir sa première promotion (entre temps logée en ville) ! Le club y adjoignit même un bâtiment administratif pour y installer son siège et les pros, dont les vestiaires étaient jusque-là situés sous la tribune de la Cavée, déménagèrent de quelques mètres pour prendre possession de nouvelles installations flambant neuves. L’inauguration officielle n’eut cependant lieu que le 27 avril 1985, un jour de HAC – Amiens, devant tous les représentants du football national. Même Michel Hidalgo, ancien Hacman, avait fait l’honneur de sa présence. Deux semaines plus tard, le HAC fêtait sa remontée en Première Division…

Après de gros travaux de rénovation, devenu plus spacieux, le Centre fut le théâtre d’une nouvelle belle cérémonie le 23 février 2002, toujours en présence du gratin du football français, histoire de lancer en fanfare les célébrations du 130e anniversaire. Mais quels que soient les responsables nationaux au fil du temps, tous ne peuvent que constater l’efficacité de la formation havraise, qui a d’ailleurs ô combien contribué au rayonnement du football français ! Pensionnaire de la première promotion, Thierry Moreau, surnommé Diego (on vous laisse deviner pourquoi !), passa professionnel au HAC où il évolua en Deuxième et en Première Division. « Le HAC était un des précurseurs en termes de formation ! Pour moi qui venais de l’extérieur, tout en n’étant pas très loin (NDLR : de Caen), c’était un gage de sérieux. Et tout de suite, j’ai ressenti les valeurs identitaires du club, sûrement dues aux origines anglaises. Le HAC t’apprenait certes à être un bon footballeur mais surtout à être une bonne personne. » Et de cette période, ce meneur de jeu ayant disputé plus de 200 matches pros sous les couleurs Ciel&Marine ne garde que de bons souvenirs. « Au début, nous étions logés aux Gens de Mer, les travaux n’étant pas terminés. Mais ensuite, comme c’était nouveau, nous nous sentions tellement bien au centre que nous y passions beaucoup de temps, c’était vraiment notre maison. Nous n’avions que le mercredi après-midi libre mais nous restions souvent au centre, et nous étions une vraie bande de copains. » Un moment particulier pouvait pourtant « dérégler » l’organisation mise en place pour les jeunes pensionnaires : « Si on frappait à notre porte pour aller nous entraîner avec les pros ! C’était la petite fierté du moment. » Surtout qu’à l’époque, les pros s’entraînaient littéralement sous les fenêtres des jeunes ! « Pour nous, c’était une motivation supplémentaire. A chaque minute de la journée, nous avions pour objectif de réussir pour aller sur ce terrain-là. » Des terrains bien moins performants que désormais, il suffit de regarder quelques images d’archives pour s’en convaincre ! « Maintenant, certaines séances ne se feraient plus ! Mais pour nous, c’était anecdotique, on développait autre chose, notamment sur le plan psychologique. L’objectif que nous avions était de jouer pour notre club formateur. Alors quelle fierté en signant notre premier contrat pro ! »

Le premier directeur du centre, le premier entraîneur de Thierry Moreau fut Abdel Djaadaoui. Arrivé au HAC en 1982 comme joueur, international algérien ayant vécu une véritable épopée européenne avec le FC Sochaux un an auparavant, ce libero connut une grave blessure en octobre 1983, une fracture tibia-péroné lors d’un HAC – Stade Français, qui accéléra sa fin de carrière. Jean-Pierre Hureau, dès l’arrivée d’Abdel au club, avait pensé que ce dernier était l’homme idoine pour prendre les rênes de la nouvelle structure. Ce que confirme Thierry : « Notre mentor ! Il incarnait la rigueur, l’humilité, le respect du club, le travail. C’était vraiment le formateur idéal ! »

Evoluant toujours dans le milieu du football, en tant que formateur du Brevet de Moniteur de Football à la Ligue de Normandie et responsable de l’école de foot de l’AS Trouville Deauville, Thierry Moreau garde évidemment un œil sur le HAC et son centre de formation. Et a donc certainement dû entendre parler de Simon Ebonog, 18 ans, l’un des jeunes Hacmen ayant signé professionnel cet été. Un passage de témoin entre deux générations ! Simon, s’entraînant avec les pros mais évoluant en U19 ou en N3, porte un regard très mature sur ce qui lui arrive : « Un contrat, ce n’est pas un aboutissement, ce n’est qu’une étape. Un autre joueur peut très bien nous passer devant, même si lui n’est pas pro ! On doit toujours prouver qu’on est meilleur. » S’il a parfaitement raison, ce contrat fait pourtant de lui un symbole de plus de la réussite de la formation havraise. Qu’il attribue tout d’abord à la proximité entre les éducateurs et les joueurs : « Les coaches regardent toujours les détails. Nous faisons beaucoup de vidéos individuelles, ce n’est jamais à la va-vite, ils prennent toujours le temps de nous parler, de nous voir un par un. » Et de corriger les éventuels défauts : « Tout ce qui n’était pas bon en match est ensuite travaillé à l’entraînement. »

Avec son statut particulier de jeune pro pouvant jouer dans différentes équipes, Simon n’est pas laissé à l’abandon, bien au contraire ! « Quel que soit le staff avec lequel je travaille, je suis vraiment considéré comme un joueur de l’effectif, il n’y a pas de différences. Et que je sois avec l’une ou l’autre équipe, les performances remontent vite, les staffs travaillent vraiment tous ensemble, il y a de vraies passerelles. » Cette union et ce collectif se ressentent aussi dans les catégories plus jeunes envers leurs aînées. « Quand nous avons battu le PSG en Gambardella en janvier dernier, tous étaient contents, même les petits qui étaient venus nous voir. Nous avons senti l’implication de tous les éducateurs, et, indirectement, tout le monde était lié à cette victoire. »

De Thierry Moreau à Simon Ebonog, en passant par Christophe Revault, Vikash Dhorasoo, Jérémy Hénin, Nicolas Douchez, Anthony Le Tallec, Florent Sinama-Pongolle, Jean-Pascal Fontaine, Victor Lekhal, Josué Casimir (on ne va pas tous les citer, la liste est énorme !)… près de quarante ans se sont écoulés sans que la qualité de la formation havraise ne se trouve altérée. Les valeurs de travail, de proximité, de cohésion, font toujours recette. Mieux, elles sont la garantie de la réussite ! Et d’ici quelques années, ne doutons pas que d’autres noms, qui deviendront fameux eux aussi, auront continué d’écrire l’histoire…

O.D.